Les illuminations profanes de Chris Marker

(co-écrit avec Catherine Perret)

PublicationChris Marker : Survivances de Zapping Zone
Sous la direction de Marcella Lista
EditionCentre Pompidou
CollectionRecherches n°3
Juillet 2024
256 pages
22 x 16 cm

Pendant trois ans (2016-2018), Catherine Perret et moi avons donné cours sur la notion d’Illumination profane, évoquée par Walter Benjamin, principalement dans son célèbre essai de 1929 : Le surréalisme, dernier instantané de l’intelligence européenne. Il a l’intuition que la reproductibilité des images est l’outil d’un savoir neuf, un savoir qui ne se transmettrait qu’en images, et qui établirait une relation entièrement nouvelle à ce qu’on appelle « l’histoire ». L’illumination profane est ainsi une expérience médiatisé par les images, une expérience particulièrement intense qui se produit à partir de la vision au sens large et qui semble recéler une révélation. Mais cette révélation est sans contenu saisissable ni pré-écrit (à la différence de l’illumination religieuse).  Les illuminations profanes ne proviennent pas d’un quelconque au-delà et n’éclaire aucun arrière-monde. Elles sont au contraire expériences de la réalité la plus prosaïque, elles portent sur des choses ordinaires et communes. Ces éclairs de lucidité, éprouvés au cœur du quotidien, contiennent selon lui un potentiel révolutionnaire.

Cette notion d’illumination profane est donc pour Walter Benjamin un opérateur aussi bien poétique que politique. Cette expérience est en effet déterminée par les transformations techniques et politiques de la société de consommation capitaliste, où l’aliénation ne peut être révélée que par les états modifiés de conscience : les états seconds, le rêve, le délire, la passion, la lecture, la pensée. Marquée par la reproduction des images qui deviennent des artefacts parmi d’autres, la perception comme la mémoire se sont industrialisées puis numérisées. Cette mutation profonde des dispositifs techniques entraîne des modifications où “l’illumination profane” se redéfinit sans cesse. Nous voulions donc autant la comprendre dans l’œuvre de l’écrivain allemand que suivre les modifications de cette expérience au long de l’histoire qui va des années 20 du siècle passé à aujourd’hui.

À la faveur de cet ouvrage qui se concentre sur l’oeuvre Zapping Zone de Chris Marker (restaurée et muséographiée par l’équipe de la conservation du Musée national d’art moderne du Centre Pompidou), nous avons synthétisé les quelques cours que nous avions consacré à Chris Marker. C’est donc le premier texte publié de cette recherche, dans l’attente d’en publier d’autres portant sur les diverses œuvres et périodes que nous avions alors étudiées.