L’art et la Critical Theory

Revue « Critique » n° 759-760
Numéro spécial « Art contemporain »
Septembre 2010
160 pages
13,5 x 21,5 cm

C’est à l’occasion de la publication d’une anthologie en langue française (dirigée par Catherine Chevalier et Andreas Fohr) de la revue allemande Texte zur Kunst, couvrant ses premières années d’existence, de 1990 à 1998 que j’ai écrit cette recension. Ce texte me permettait de déplier la question insolvable des relations entre art et politique de manière située : sur la scène allemande des années 90. Par mon travail à la Documenta X j’avais pu observé les effets à cette époque d’une transformation, amorcée dans les années quatre-vingt et qui n’a cessé de s’amplifier au fil des décennies, pour le meilleur et pour le pire, où l’art est de moins en moins l’objet d’un discours propre à son histoire et à ses disciplines théoriques mais trouve de plus en plus la matière de ses commentaires dans la philosophie, les sciences sociales, les sciences humaines et les sciences de la nature. Dans les années 90, se bricolait ainsi dans le monde de l’art une culture internationale de la théorie critique qui croisait les savoirs et les réflexions de penseurs et de disciplines épars et parfois antinomiques. Cette Critical Theory, à ne pas confondre avec son illustre homonyme également connu sous le nom d’École de Francfort, s’est instaurée en fondant la nouvelle interdisciplinarité universitaire anglo-saxonne sur les œuvres singulières de la philosophie continentale. Une condamnation unilatérale de cette mutation au nom des savoirs spécialisés de l’art ne ferait que restaurer les disciplines traditionnelles sur un mode conservateur et perdrait les bénéfices d’une compréhension des différents ancrages culturels ou contextuels de production et de réception des œuvres. De même, elle perdrait de vue à quel point cette transformation a produit un regain de vitalité dans la critique de gauche et à redonné une certaine valeur d’usage à la théorie pour la mettre au service des luttes politiques et des combats des minorités. Mais comment, dans cette occultation de la pensée de l’art et son histoire, éviter une morale appliquée qui trouve sans doute dans cette Critical Theory bien des outils pour penser le monde à travers l’art, mais souvent pas grand-chose en revanche pour ce qui concerne les rapports que l’art entretient avec lui-même. Telles sont les interrogations autour desquelles gravite cet essai.

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