Short guide / Kurtzführer

C’est à l’invitation de Jean-François Chevrier et de Catherine David que m’a été confié la rédaction du guide de la Documenta X de Kassel. Je n’ai pu hélas écrire  la totalité des notices comme cela était prévu, l’éditeur Hatje Cantz ayant raccourci les délais dans les dernières semaines, par peur de perdre de l’argent si les exemplaires n’étaient pas imprimés à temps. Le grand catalogue avait pris autant de retard que de pages supplémentaires et la panique avait gagné la maison d’édition. J’avais un peu plus de trois mille signes à consacrer à chaque artiste et il y en avait une centaine. Une vingtaine furent confiés à d’autres. La plupart des oeuvres que je présente par écrit n’étaient pas encore réalisées et je procédais par des rencontres avec les artistes qui me racontaient leurs projets. Certaines oeuvres, peu, changèrent néanmoins d’aspect entre l’écriture des textes et l’ouverture de la Documenta. Mais je fis le choix d’écrire tous les textes au présent plutôt qu’au conditionnel sachant que quelques écarts entre ce qui serait lu et ce qui serait visible étaient inévitables. 

De tout ce que j’ai vu et vécu dans ce travail pour la Documenta, une anecdote concernant cette publication me fait toujours le même effet presque trente ans plus tard. En effet, lorsque je revins à Kassel pour l’ouverture, deux mois après la rédaction de l’ouvrage, la ville était remplie de touristes et d’amateurs d’art venus voir cette manifestation d’art contemporain. Le choix par l’éditeur d’une couverture « silver » donnait un reflet particulièrement visible à l’ouvrage que tout le monde ou presque avait en main. Dans les salles, aux terrasses des cafés ou devant les oeuvres dans l’espace publique, chacune et chacun lisait le guide, comme si la ville entière était plongé dans mes écrits. J’avais l’impression d’être entré dans la Twilight Zone.